« Inspirez, Marcelle assure le relais ! »
Par Hervé Vaudoit et Paul Molga Journalistes
Le portait du Pr Didier Raoult paru dans Marcelle il y a une semaine a explosé tous nos compteurs (plus de 100 000 lecteurs). Plus surprenant encore, il n’a donné lieu à aucune polémique. Le chercheur est actuellement au cœur de tous les débats pour la solution thérapeutique qu’il préconise. Hier matin, le Canard Enchaîné titrait même sur les menaces de mort dont il a fait l’objet. D’où cet exercice de questions-réponses auquel le virologue aujourd’hui le plus célèbre de la planète a bien voulu se plier car il connaît bien et depuis longtemps les journalistes qui le questionnent.
Vous avez fait savoir mardi que vous ne participeriez plus aux réunions du comité scientifique qui conseille nos autorités sur la conduite à tenir face à l’épidémie, pourquoi ?
Je n’ai pas deux heures à perdre dans des discussions qui ne vont pas à l’essentiel. Ici, nous sommes submergés de travail, nous sommes submergés par les résultats des tests et les données de nos patients. Un tiers de nos 75 lits d’hospitalisation est renouvelé tous les jours, nos équipes sont mobilisées H24… C’est cela qui m’importe, pas les causeries où il ne faut surtout froisser personne.
Les critiques, les mises en cause, cela vous blesse ?
Les critiques et les conversations de bar sur les plateaux télé, je m’en fous à un point que vous n’imaginez pas. Ce qui m’ennuie, en revanche, c’est que la France, mon pays, ne suive pas ce qui est raisonnable et prenne du retard parce que des gens qui se pensent importants ne veulent pas se dédire. Moi, je suis serein, je sais comment cela va se terminer.
C’est ce que certains vous reprochent, de prédire l’avenir.
Il ne s’agit pas de prémonition mais de savoir. Dans le domaine qui est le mien, je sais ce que je dis, je sais ce que font mes équipes, j’accumule des données – donc du savoir supplémentaire – et je mesure tous les jours l’effet clinique de ce que je préconise. Certains ne veulent pas y croire ? C’est leur problème. Les politiques et leurs décisions, c’est l’Histoire qui les juge. On verra très vite ce qu’il en est pour cette crise. On connaîtra la vérité. Un millier de patients ont été déclaré positifs aux tests que nous avons réalisés. Grâce au suivi de leur traitement, nous disposons d’une somme considérable de données. Nous les compilons. Elles nous donneront bientôt une idée plus précise de l’action de l’hydroxychloroquine.
Avez-vous ajusté vos indications thérapeutiques ?
Notre doctrine, c’est de détecter et de traiter le plus en amont. L’hydroxychloroquine fonctionne sur les cas modérés à sévères. Au-delà, quand les patients sont en réanimation, c’est trop tard. Le virus est encore là, mais le malade souffre d’inflammations pulmonaires consécutives.
Justement, l’essai clinique Discovery va être mené sur des patients très atteints…
Si on avait envie de prouver que ça ne marche pas, on ne s’y prendrait pas autrement. Il y aura une enquête parlementaire après tout ça, et elle sera sanglante, autant que l’affaire du sang contaminé. Et ce sera pire si le gouvernement décide de refuser l’accès au médicament.
Mais, même l’Organisation mondiale de la santé (OMS) met en garde contre le traitement que vous préconisez…
Avant toute chose, je suis médecin. J’ai prêté le serment d’Hippocrate en 1981 et mon devoir depuis, c’est de faire ce qui me paraît le mieux pour les malades, en fonction de mes connaissances et de l’état de la science. C’est ce que je fais depuis 40 ans et ce que je fais en ce moment avec mes équipes : soigner le mieux possible les patients qui se présentent. Cela veut dire les tester, évaluer l’état de ceux qui sont positifs et les traiter avec les thérapies disponibles. Aujourd’hui, il n’y en a qu’une qui a commencé à donner des résultats, c’est l’hydroxychloroquine associée à un antibiotique, l’azithromycine. Toutes les données que nous recueillons depuis que nous avons commencé, il y a un mois, après les premiers essais en Chine, vont dans le même sens. Alors, que ça respecte ou non les procédures scientifiques habituelles… Je suis d’accord avec le Président quand il dit que nous sommes en guerre. Une guerre qui justifie de se battre avec toutes les armes dont nous disposons. En tant que médecins, il est de notre devoir de donner aux malades le meilleur traitement disponible à l’instant T. Le reste, c’est de la littérature.
Quels mécanismes entreraient en jeu avec l’administration d’hydroxychloroquine ?
Cette molécule aurait deux effets pour accélérer l’élimination du virus : il modifierait d’abord l’environnement acide de la poche vacuole de la cellule. Ce petit sac de liquide protégé par la membrane sert de nid aux virus. En augmentant son pH (potentiel Hydrogène), l’écosystème tranquille de cet abri est chamboulé et les enzymes, impliquées dans la machinerie cellulaire utilisée par le virus pour se répliquer, sont empêchées d’agir. L’hydroxychloroquine favoriserait également l’apoptose, c’est-à-dire la mort cellulaire programmée, un mécanisme génétique qui protège l’organisme des infections en commandant aux cellules infectées de s’autodétruire. Je vais travailler avec l’expert de renommée mondiale Guido Kroemer, professeur d’immunologie à la faculté de médecine de l’Université de Paris Descartes et directeur de l’unité de recherche « Métabolisme, cancer et immunité », pour approfondir les travaux sur les mécanismes impliqués.
Sans présager de la publication de vos nouvelles observations, que pouvez-vous dire de l’efficacité de Plaquenil ?
Ne vous inquiétez pas : ça marche. Et même mieux que ça : on a deux fois moins de victimes d’infections virales cette année, toutes maladies confondues, aucun pic de surmortalité et pas de résistance aux antibiotiques.
Nombre de vos confrères poussent des cris d’orfraie en évoquant les effets secondaires délétères de la chloroquine…
Tous les médicaments ont des effets secondaires, surtout lorsque l’on ne respecte pas les posologies. L’aspirine, le paracétamol et l’ibuprofène surdosés, c’est beaucoup plus dangereux que l’hydroxychloroquine aux doses où on les administre. Quant à l’azithromycine, un Américain sur huit s’en voit prescrire au moins une fois chaque année. Si cela tuait les gens ou les rendait plus malades qu’ils ne sont, nous le saurions.
Vous avez annoncé dimanche que vous testeriez toutes les personnes fébriles qui se présenteraient à l’IHU. On a vu les queues qui se formaient devant chez vous. Que pouvez-vous nous en dire ?
Depuis lundi, nous avons pratiqué 2 000 tests par jour. Environ 10% des personnes testées étaient positives.
Que se passe-t-il pour les gens que vous dépistez ?
Notre protocole est rodé. Nous regardons s’ils ont des signes cliniques de la maladie et nous leur faisons passer un scanner pulmonaire « low dose » (1), comme le font les Chinois, car une partie des gens contaminés ne présentent pas de signes cliniques évidents de la maladie mais ont des lésions pulmonaires qui s’aggraveront s’ils ne sont pas traités. C’est à eux que l’on administre ce que nous considérons comme le seul traitement disponible à ce jour.Deux jours après, ils sont invités à venir réaliser un électrocardiogramme. Le risque cardio-vasculaire est l’effet secondaire le plus important. Ce traitement est ambulatoire mais les patients les plus sérieux sont naturellement hospitalisés.
Qu’est-ce qui, selon vous, empêche de généraliser ces tests et ces examens au scanner à l’ensemble du pays ?
C’est d’abord une question de volonté politique et de mise en place logistique. Les moyens, nous les avons. Entre les laboratoires d’analyses privés, les laboratoires vétérinaires de très grande qualité que nous possédons, les médecins de ville et les infirmières libérales, tous qualifiés pour faire des prélèvements, ainsi que nos ressources hospitalières, il y a de quoi faire. Ici, nous ne sommes pas des extra-terrestres. Si nous arrivons à faire 2 000 tests par jour à l’IHU de Marseille je ne peux pas croire que la France entière ne soit pas capable de faire comme en Allemagne ou en Corée du Sud. 100 000 tests par jour, c’est ce dont nous aurions besoin et nous en sommes capables. Des tests PCR de base, hors épidémie, nous en faisons 300 000 par an à l’IHU. Quant aux scanners, nous faisons face à Marseille, mais cela sera peut-être plus difficile ailleurs, car notre taux d’équipement en scanners est un des plus faibles des pays de l’OCDE. C’est la conséquence des choix politiques et financiers des 30 dernières années. Les conneries finissent toujours par se payer.
Comment expliquez-vous que cette stratégie qui a fait ses preuves ailleurs, ne soit toujours pas d’actualité chez nous ?
En France, malheureusement, avant de se poser la seule question qui vaille, c’est-à-dire « que faut-il faire pour faire face à telle situation ? », on se demande toujours « est-on capables de mettre en place telle ou telle solution ? ». On met la charrue avant les bœufs et ça n’avance pas.
Le ministre de la Santé vous écoute-t-il ?
C’est un homme intelligent, mais il a hérité d’une situation très difficile, très désorganisée.
Que pensez-vous de l’attitude des autorités, politiques et médicales, d’une façon générale ?
Je me contenterai de citer la maxime attribuée à Sénèque : « Errare humanum est, perseverare diabolicum » (ndlr – L’erreur est humaine, persévérer -dans l’erreur- est diabolique) ♦
(1) Un scanner « low dose » (faible dose en français) permet d’obtenir une image de bonne qualité avec un niveau d’irradiation très faible du patient.
Covid-19 oblige, l’infectiologue Didier Raoult est au centre de toutes les conversations en France et dans le monde. Je fais partie des rares journalistes qui le connaissent bien et suivent son parcours (j’ai même écrit un livre sur son hôpital et les recherches sur les maladies infectieuses*). Portrait d’un médecin aussi génial qu’original.
Avec sa crinière blanche, sa barbe broussailleuse et ses chemises improbables dissimulées sous son éternelle blouse blanche, le professeur Didier Raoult n’a pas franchement la tête de l’emploi. Sous ses airs de troubadour revenu de Woodstock en combi Volkswagen, se cache pourtant l’un des tout meilleurs scientifiques français et l’un des chercheurs les plus cités au monde. Las ! La piste thérapeutique qu’il a présentée pour combattre le Covid 19 a été qualifiée de « fake news » sur le site du ministère de la Santé il y a 3 semaines. Mais le ton du gouvernement et de la communauté scientifique est en train de changer !
L’IHU Méditerranée Infection : une équipe de chercheurs d’envergure mondiale !
Même s’ils collectionnent découvertes, récompenses et publications prestigieuses depuis plus de 30 ans, Didier Raoult et son équipe ont parfois du mal à être pris au sérieux en haut lieu. Mais son âpreté au combat lui permet souvent de rafler la mise au nez et à la barbe de ses détracteurs. L’épidémie de coronavirus en sera-t-elle une nouvelle illustration ?
Révélé au grand public par ses chroniques dans « Le Point » et quelques livres à succès (1), le professeur Didier Raoult est avant tout un infectiologue et un virologue de réputation internationale. Sa carrière hors-normes, il l’a d’abord construite sur la recherche, avec à son crédit quelques découvertes majeures comme les virus géants (mimivirus, marseillevirus…), l’identification de plus d’une centaine de nouvelles bactéries pathogènes ou la mise en évidence du rôle de certains micro-organismes dans des maladies comme la fièvre Q, la maladie de Whiple, les endocardites ou les lymphomes non hodgkiniens. Mais Didier Raoult, c’est aussi et surtout un leader, un chef d’équipe – un chef de bande disent même certains de ses proches -, avec autour de lui une cohorte de scientifiques de très haut niveau qu’il a commencé à rassembler il y a plus de 35 ans et qui lui sont depuis restés fidèles. À ce noyau dur des débuts, il a toujours su rajouter de nouveaux talents, repérés au fil du temps parmi les étudiants qui se pressaient à ses cours et dans ses labos de la faculté de médecine de La Timone. Une réussite d’autant plus extraordinaire qu’elle ne s’est pas jouée à Paris, Washington, Londres ou Shanghai, mais bien à Marseille, où les équipes de chercheurs de niveau mondial ne sont tout de même pas légion.
Un parcours hors norme !
Né au Sénégal il y a 68 ans d’une mère infirmière et d’un père médecin militaire, Didier Raoult est devenu médecin plus par devoir que par passion. Débarqué à Marseille à l’âge de 10 ans, il en partira à 18 ans pour s’embarquer comme matelot sur un navire marchand, persuadé que son destin aurait le goût salé des aventures maritimes. Le temps de s’apercevoir que le travail en équipage gonfle les biceps mais nourrit peu l’esprit, et le voilà de retour sur le Vieux-Port, la tête et l’ambition en berne. Son père, qui avait déjà conditionné son autorisation d’embarquer à l’obtention préalable du baccalauréat, lui met alors le marché en mains : c’est médecine ou rien. « J’avais un bac littéraire. Aujourd’hui, je ne pourrais même pas rentrer en fac de médecine avec », s’amuse-t-il aujourd’hui. Une fois dans la place, le jeune Raoult se passionne. Et développe, au fil de ses études, un goût prononcé pour la recherche et pour les maladies infectieuses et tropicales, qu’il découvre à la fac puis durant son service militaire à Tahiti. Son premier labo de recherche, il le créé en 1984 après un premier exploit : la mise au point d’une procédure de mise en culture des bactéries très rapide et efficace. C’est avec cette « unité des rickettsies » qu’il commence à constituer son équipe. Michel Drancourt et Philippe Brouqui le rejoignent dès cette époque. Suivront Philippe Parola, Bernard La Scola, Jean-Marc Rolain, Pierre-Edouard Fournier, tous devenus professeurs et tous investis dans le grand œuvre de Didier Raoult : l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, un des six IHU créés ces dix dernières années, aujourd’hui en pointe dans de très nombreux domaines de recherche. Dont, bien sûr, le coronavirus, avec les espoirs de traitement efficace nés des travaux des scientifiques chinois et de l’équipe de l’IHU marseillais.
Mais qui est le professeur Raoult, possible vainqueur du Coronavirus ?
À la tête d’un des 6 IHU créés en France !
Pour en arriver là, Raoult n’a jamais cessé de se battre. Primo parce qu’il aime ça. L’affrontement, la confrontation, la controverse… sont pour lui des contextes stimulants. Son talent, ses connaissances et sa capacité à faire travailler les gens ensemble lui ont souvent permis de triompher. Et la carapace qu’il s’est fabriquée au fil du temps l’a toujours protégé des critiques et des mises en cause. « Il a un niveau d’estime de soi très élevé et très stable », confie un de ses proches pour situer le personnage, souvent décrit comme arrogant, cassant, voire méprisant par ses détracteurs. Il est vrai que pas grand monde ne l’impressionne et qu’il ne prend guère de précautions pour dire ce qu’il pense des uns et des autres, surtout de celles et ceux qui disposent d’un pouvoir que lui juge exorbitant ou illégitime. Son IHU à peine inauguré, il s’est ainsi affronté à Yves Lévy, alors patron de l’Inserm (2), qui est aussi l’époux de la ministre de la Santé de l’époque, Agnès Buzyn. Résultat : même s’il s’agit d’un des pôles de recherche les plus prolifiques du pays, Méditerranée Infection n’a pas le label Inserm. Pas plus qu’il n’a celui du CNRS (3), peu ou prou pour les mêmes raisons. Ce qui ne l’empêche pas de produire toujours de la bonne science. Et de donner ainsi des aigreurs d’estomac à tous ceux qui aimeraient le voir trébucher, à Paris mais aussi à Marseille, où son insolente réussite a toujours attisé les jalousies et entretenu les querelles de palais parmi les mandarins qui n’avaient ni son talent, ni ses capacités fédératrices, mais auraient adoré avoir ses moyens.
Une crédibilité internationale …
Mais qui est le professeur Raoult, possible vainqueur du Coronavirus ? 1Didier Raoult s’est appuyé sur les travaux d’un de ses confrères chinois pour mettre au point un traitement qui a guéri la grande majorité des patients à qui il a été administré. Abonné aux revues scientifiques à comité de lecture les plus prestigieuses comme Nature ou Science, il y signe ou cosigne une centaine d’articles chaque année et figure ainsi systématiquement dans le trio de tête des chercheurs hexagonaux en termes de production scientifique. Sauf que son look, son franc-parler et son identité marseillaise l’ont toujours desservi. Lui s’en fiche comme d’une guigne. Car, quel que soit le sujet, les faits finissent souvent par lui donner raison, alors même que ses déclarations sont immédiatement battues en brèche par des armées de pseudo-experts. Qui ont peut-être du mal à admettre que des Marseillais puissent figurer parmi les meilleurs spécialistes mondiaux de l’infection.
Mal aimé en France
On l’a encore constaté fin février, lorsque Didier Raoult a présenté la chloroquine comme un traitement potentiellement efficace contre le coronavirus. Utilisée depuis le milieu du XXe siècle dans le traitement du paludisme, cette molécule très bon marché pouvait-elle être une arme décisive contre une nouvelle maladie virale ? « Certainement pas ! », ont affirmé en chœur tout une cohorte de médecins et experts autoproclamés à la radio et sur les plateaux de télévision. À commencer par le ministère de la Santé lui-même, qui a accolé l’étiquette « fake news » sur les annonces de Didier Raoult plus d’une journée durant, parce qu’un journaliste d’un grand quotidien national les avait qualifiées de la sorte. Trois semaines plus tard, patatras ! À accorder plus de valeur aux propos échangés devant les caméras qu’à l’analyse de l’un des infectiologues les plus réputés de la planète, le ministère de la Santé s’est littéralement pris les pieds dans le tapis. Tout comme le directeur général de l’assistance publique hôpitaux de Paris (APHP), qui n’avait pas de mots assez durs contre Didier Raoult fin février au micro des chaînes d’information en continu.
Une parade face au Covid 19 ?
Aujourd’hui, la prudence reste de mise en haut lieu, mais on se garde bien de formuler les mêmes commentaires méprisants. « Ce que je disais à ce moment-là n’a pas germé spontanément dans ma tête, sourit Didier Raoult. Cela s’appuyait sur deux choses : d’une part ma propre expérience, puisqu’ici, à Marseille, nous utilisons l’hydrxychloroquine dans le traitement des infections bactériennes depuis plus de 25 ans. D’autre part les travaux du professeur Zhong Nanshan, un de mes plus brillants confrères chinois, qui a évoqué l’efficacité de la chloroquine dans une conférence de presse le 17 février. » Sauf que, selon Raoult, « à Paris, ils ont beaucoup de mal à admettre que la France ne soit plus le phare de la science mondiale et que les chercheurs plus performants aujourd’hui, c’est en Asie du sud-est qu’on les trouve et plus en Occident. » Les déclarations de l’infectiologue chinois n’ont d’ailleurs pas été relayées en France.
Un essai clinique plus tard, les résultats obtenus à l’IHU Méditerranée Infection recoupent ceux de Zhong Nanshan, confirmant ainsi l’efficacité de la chloroquine dans le traitement du coronavirus. Mieux : associée à un vieil antibiotique, l’azythromycine, la non moins vieille chloroquine a débarrassé du coronavirus plus 90% des personnes porteuses incluses dans l’essai clinique marseillaise. « Et cette combinaison des deux molécules, c’est nous qui l’avons inventée ! », souligne Didier Raoult, prêt à traiter tous les patients qu’on lui amènera pour finir de démontrer l’intérêt de ce cocktail médicamenteux.
Pourquoi a-t-il fallu en arriver là pour que cessent les critiques et que les autorités françaises considèrent enfin que ses déclarations avaient du sens ?
Guerre de positions
« Le problème, indique l’infectiologue, c’est qu’intellectuellement, ils ont du mal à admettre qu’une nouvelle maladie, un nouveau virus, puissent être traités efficacement par des molécules anciennes qui ne coûtent rien, et pas par une nouvelle prouesse de la recherche pharmaceutique, très chère et très compliquée à industrialiser. »
Raoult sait de quoi il parle. Depuis des années, il plaide pour une révision des modèles économiques de la santé, afin que l’ensemble des molécules existantes, créées pour la plupart au XXe siècle, soient considérées comme un patrimoine au service de l’humanité. « Ce n’est pas le cas aujourd’hui, se désole-t-il, car on abandonne les médicaments qui ne rapportent rien, même s’ils sont efficaces. C’est comme ça que plus aucun antibiotique n’est fabriqué en Occident et que nous avons régulièrement des pénuries sur des molécules très importantes, comme récemment la doxycycline, indisponible pendant 6 mois alors que nous en avons besoin au quotidien pour soigner les gens. »
La question reste entière avec le coronavirus :
si l’efficacité de la combinaison chloroquine/azythromycine se confirme, on pourra guérir tout le monde mais cela ne rapportera d’argent à personne. Un problème, vraiment ? ♦
*IHU Méditerranée Infection – Le défi de la recherche et de la médecine intégrée. Ed Michel Lafon 2018.
Bonus
Didier Raoult dans le comité scientifique de crise – Créé le 11 mars dernier sur volonté du président de la République, un comité scientifique composé de 11 experts, chercheurs et professionnels de santé a été mis sur pied. Sa mission, expliquait un communiqué du ministère des Solidarités et de la Santé, est « d’éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire liée au coronavirus ». Le comité, présidé par le Pr. Jean-François Delfraissy (immunologiste et président du Comité consultatif national d’éthique), est composé au total de 11 experts, médecins et chercheurs.Les membres du comité qu’il dirige sont majoritairement des experts en épidémiologie et en infectiologie. Ils « ont été choisis pour leur expertise reconnue sur le sujet, dans une approche multidisciplinaire ». Denis Malvy est spécialiste des maladies tropicales à Bordeaux, Didier Raoult a mené le premier test clinique à l’hydroxychloroquine contre le coronavirus à Marseille et Yazdan Yazdanpanah est chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Bichat de Paris. Le comité comprend aussi le virologue Bruno Lina, directeur du Centre national de référence de la grippe à Lyon, l’épidémiologiste de l’Institut Pasteur Arnaud Fontanet, Lila Bouadma, médecin spécialisée en réanimation, et le médecin de ville Pierre-Louis Druais, fondateur du Collège de la médecine générale. Il y a aussi un épidémiologiste modélisateur, Simon Cauchemez. Enfin, deux chercheurs en sciences sociales viennent compléter cette équipe et lui apporter une touche « interdisciplinaire » : l’anthropologue Laetitia Atlani-Duault, qui a fait une thèse sur la prévention du VIH, et le sociologue Daniel Benamouzig, spécialisé en politique et économie de la santé.
Mini-interview – Sur la base des résultats obtenus auprès des patients inclus dans sa première étude clinique, Didier Raoult suggère que les autorités sanitaires changent de stratégie au profit d’un scénario « à la coréenne ».
Qu’est-ce que la Corée-du-Sud a fait de différent par rapport à la France pour endiguer l’épidémie ?
Ils ont choisi de tester massivement leur population et de mettre à l’isolement uniquement les personnes porteuses du virus. Jusqu’à présent, cela leur a permis de maîtriser la progression du virus sans confiner tout le monde. Il faut rester prudent car nous n’avons pas beaucoup de recul, mais il est certain que tester comme ils l’ont fait, ça coûte in fine beaucoup moins cher que de mettre toute l’économie du pays à l’arrêt.
A-t-on la capacité technique de faire des tests massifs en France ?
Ce n’est pas un problème technique ni un problème médical. C’est seulement une question de choix stratégique et d’organisation. Si nous voulions, nous pourrions mettre en place des tests massifs assez rapidement.
Les traitements avec lesquels vous avez obtenu des résultats encourageants peuvent-ils être généralisés rapidement ?
Les deux molécules que nous utilisons sont connues, peu chères et faciles à produire. Sanofi a proposé 300 000 doses d’hydroxychloroquine (Plaquenil ou Nivaquine sont ses noms commerciaux, ndlr) aux autorités françaises pour ce traitement. D’autres essais conduits par d’autres équipes vont avoir lieu. Je suis assez confiant sur les résultats qu’elles obtiendront.
Information – Didier Raoult va tous les jours sur le site du South China Morning Post qui offre, selon lui la meilleure synthèse de l’actualité mondiale concernant le covid 19.
Bibliothèque – (1) Entre autres ouvrage :
« Dépasser Darwin » (Plon – 2010),
« Votre santé : Tous les mensonges qu’on vous raconte et comment la science vous aide à y voir clair » (Michel Lafon – 2015),
« Arrêtons d’avoir peur ! » (Michel Lafon – 2016),
« Mieux vaut guérir que prédire » (Michel Lafon – 2017),
« La vérité sur les vaccins : tout ce que vous devez savoir pour faire le bon choix » (Michel Lafon – 2018)
(2) Institut national de la santé et de la recherche médicale.
(3) Centre national de la recherche scientifique.
https://marcelle.media/2020/03/19/mais-qui-est-le-professeur-raoult/